Geoff Porter dirige la société North Africa risk consulting, spécialisée dans l’analyse des risques politiques et sécuritaires en Afrique du Nord. L’expert américain revient sur la polémique engendrée par l’article de Politico dans lequel il a été question des relations entre l’Union européenne et l’Algérie. Entretien.
Dans l’article de Politico vous évoquez le problème que rencontrent les entreprises étrangères en matière de transfert de devise. Quelles autres difficultés peuvent rencontrer les investisseurs étrangers en Algérie ?
Ma remarque faite dans le cadre de l’article publié par Politico concernant
la difficulté pour les entreprises de faire sortir de l’argent hors
d’Algérie fait référence aux limites en termes de création de bénéfices.
Mais si une entreprise respecte les règles établies en Algérie pour les
investisseurs étrangers et si elle participe au projet national
algérien alors ces entreprises peuvent satisfaire leurs intérêts
commerciaux et leurs actionnaires. Pour ce qui est des autres
difficultés que ces investisseurs étrangers peuvent rencontrer, on peut
penser à la mauvaise compréhension du désir algérien de protéger ses propres intérêts nationaux. Je pense que l’Union européenne souhaiterait
parfois dicter ce que devraient être les règles appliquées aux
investissements étrangers au lieu de laisser à l’Algérie, en tant que
pays souverain, établir ce qui conviendrait à ses propres intérêts.
Êtes-vous d’accord avec l’affirmation que l’Algérie est l’un des marchés énergétiques les moins attractifs ?
Non. Je pense que l’Algérie a beaucoup
de potentiel. Si on se place dans la position d’un investisseur, qu’on
comprend l’environnement dans lequel on veut investir et qu’on a
l’opportunité de satisfaire les intérêts de son entreprise et la volonté
de participer au projet algérien alors tout dépendra du secteur. Il y a
certains secteurs qui sont plus attractifs que d’autres.
L’environnement d’investissement en Algérie est similaire, si ce n’est
mieux, que d’autres environnements d’affaires en termes de marché des
hydrocarbures. En plus de cela, il y a aussi d’autres secteurs
intéressants comme les télécommunications, le secteur pharmaceutique,
l’agro-alimentaire, et d’autres secteurs qui émergent, comme
l’automobile. Ces derniers sont attractifs pour les investisseurs.
Pensez-vous que le climat des affaires devient moins favorable aux investisseurs étrangers ?
Non, c’est exactement l’opposé. Et c’est justement le problème de l’article de Politico car
il ne considère pas l’Algérie de ces dernières années. Je travaille sur
l’Algérie et je conseille les entreprises qui veulent investir en
Algérie depuis 2004 et le climat de l’investissement est meilleur. Je
pense que cela va continuer ainsi.
Vous pensez que les responsables algériens veulent être plus flexibles en matière de réglementation des investissements étrangers ?
Oui. Il suffit de voir le premier ministre, Abdelmalek Sellal, le ministre de l’Énergie, Noureddine Bouterfa et le ministre de l’Industrie, Abdesselam Bouchouareb.
Ils ont tous montré leur intérêt pour les investissements étrangers en
provenance de l’Union européenne mais aussi des États-Unis. Ils sont
conscients des besoins de l’Algérie et de ce que recherchent les
investisseurs étrangers. Mais à la fin, ces trois responsables
travaillent pour l’Algérie donc ils doivent considérer ce qui est
important pour le peuple algérien, pas seulement dans l’immédiat mais
aussi durant les dix à vingt prochaines années, et trouver un équilibre
entre les intérêts nationaux et les intérêts étrangers, que ce soit l’UE
ou les USA.
Comment réagissez-vous au propos du ministre algérien des Affaires étrangères qui explique que les déclarations faites dans l’article de Politico ne correspondent pas à la réalité algérienne ?
Je pense qu’il a raison. C’est clair que
les autres personnes citées dans l’article n’ont pas passé beaucoup de
temps en Algérie, ni n’ont été en contact avec les décideurs algériens.
L’article explique que l’Algérie est vulnérable à la menace d’Aqmi et
Daech mais ce n’est pas vrai. Aqmi est très diminué, il reste certain
membres dans les environs de Tizi Ouzou, et Daech n’existe pas dans le
pays. Donc dire que l’Algérie peut s’effondrer ou devenir comme la Libye
est faux.
Concernant l’Union européenne et l’Algérie, quelles sont les garanties pour le pays étant donné que les deux parties ont déjà signé un accord d’association en 2002 ?
Ce que l’UE voudrait c’est que l’Algérie
soit un fournisseur de matières premières donc qu’elle exporte du gaz
naturel et que l’UE puisse ensuite transformer ce gaz en produit à
valeur ajoutée pour produire de l’électricité ou des produits
pétrochimiques, par exemple. Et je pense que ce que veut l’Algérie,
c’est exporter des produits à valeur ajoutée et pas seulement des
matières premières. Peut-être investir dans des centrales électriques en
Europe et produire de l’électricité pour le marché européen ou
développer le marché pétrochimique domestique grâce au gaz naturel et
vendre les produits pétrochimiques à valeur ajoutée au marché européen.
Donc il y a une forme de décalage entre l’Union européenne qui veut des
matières premières et l’Algérie qui se rend compte que c’est dans
l’intérêt national d’aller vers la production de produits à forte
valeur ajoutée.
En Algérie, il est toujours référence au fait que l’accord avec l’UE bénéficie davantage à la partie européenne. Quel est votre avis sur le sujet ?
Je ne suis pas familier avec ce sujet
spécifique. Mais je pense que c’est souvent le cas lorsqu’il y a ce
genre d’accord. L’avantage tourne généralement pour le marché
consommateur de matières premières que pour le producteur de matières
premières. Ce dernier dépend souvent des fluctuations des prix des
matières premières alors que le consommateur peut se fournir sur
plusieurs marchés différents. Ici, si l’accord tourne autour des
hydrocarbures, alors cela bénéficie à l’UE et non à l’Algérie.
De quelles manières l’UE peut-elle aider l’Algérie à diversifier son économie ?
La première est de ne pas faire de commentaires tels que ceux publiés par Politico.
Ensuite, ils peuvent aider avec le transfert de technologies, notamment
pour la récupération assistée du pétrole, aider le développement
d’infrastructures pétrochimiques et aider aussi le développement de
l’industrie automobile, ce qu’on voit actuellement avec Mercedes. De
manière générale, encourager une diversification économique en Algérie
qui soit bénéfique p
our le pays et pour l’UE.Pourquoi l’UE attend un changement de régime en Algérie ? Est-ce parce que Bouteflika n’est pas d’accord avec les propositions faites par les différents représentants de l’UE ou bien tout simplement parce qu’il y a une vacance du pouvoir ?
C’est probablement un peu des deux. Je
pense que l’UE veut parler avec le président Bouteflika et qu’elle n’est
pas satisfaite par le fait de dialoguer simplement avec le premier
ministre Sellal, ou d’autres membres du gouvernement.
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